Colloque international : "En traduisant les Trecento novelle de Franco Sacchetti : De la langue à l’histoire" - novembre 2018

Du 8 novembre 2018 au 9 novembre 2018

ENS de Lyon.
Matin du 8 nov. : Site Monod, Salle des conseils, Grande Nef 1-2 ;
Après-midi du 8 nov. et journée du 9 nov. : Site Buisson, D8.006

La traduction des Trecento novelle est à l’origine d’un questionnement critique qui engage à la fois la compréhension de l’écriture dans sa dimension la plus locale, ponctuelle et l’élucidation du sens global de l’œuvre, du principe ou des principes d’articulation des récits entre eux. La question du comment traduire se heurte donc au caractère mouvant, multiforme, irréductible du texte et conduit à une autre problématique : comment lire les Trecento novelle comme une œuvre ? La question de la cohérence des choix de traduction constitue donc une voie d’accès au texte qui rend inéluctable une entreprise de réévaluation herméneutique.
L’hypothèse que nous souhaiterions mettre à l’épreuve naît précisément d’un examen de l’écriture narrative de Sacchetti : elle nous semble être une tentative - voire une expérimentation - visant à établir, par la narration, une distance critique avec le monde contemporain. À l’inverse de l’approche la plus fréquemment utilisée pour lire les Trecento novelle - à savoir que Sacchetti consacrerait une forme de rétrécissement du chronotope de la nouvelle en se concentrant presque exclusivement sur l’univers florentin, à l’intérieur et au delà des murs de la ville -, nous posons que les coordonnées spatio-temporelles sont précisément déterminées par l’attitude d’un narrateur qui, s’il n’accède pas au statut d’une subjectivité pleine et entière, transmet par sa présence une forme de regard éthique et partant, politique, sur le monde contemporain.
Souvent considéré - et en fait, déconsidéré - comme un simple maillon dans une histoire littéraire de la nouvelle structurée autour du Décaméron, le texte de Sacchetti prend tout son sens si on évalue son originalité en la rapportant aux autres tempéraments littéraires de son propre temps. La portée éthique et civique des Trecento novelle, maintes fois soulignées, n’est pas sans liens avec d’autres formes d’écriture, de Salutati à Morelli, en passant par Catherine de Sienne. Sacchetti s’insère ainsi pleinement dans cette fin du XIVe siècle où écrivains et penseurs traduisent de profondes inquiétudes politiques et religieuses mais ne renoncent en aucun cas à la puissance critique de l’écriture révélée notamment par les grands textes du Trecento.
En ce sens, si Sacchetti, dans un rapport de filiation et de confrontation constantes avec le modèle décaméronien, entend rénover radicalement, par la langue et par le style, l’écriture du récit bref, c’est pour participer pleinement à une maturation intellectuelle et politique visant à redéployer ou à retisser le lien entre l’individu et le collectif, entre le sujet et la communauté, entre les histoires particulières et l’histoire commune.

Les interventions du colloque suivront deux axes principaux:

Axe 1 : « le travail de la langue »
La critique a établi par de multiples travaux le haut degré d’élaboration littéraire de la langue des Trecento novelle. Nous interrogerons donc la richesse linguistique du texte, sa continuité avec la langue poétique de Sacchetti lui-même, son degré de fidélité à la langue littéraire du milieu du XIVe siècle, son niveau de porosité avec la langue populaire, dans le but d’élucider le travail de la langue, c’est-à-dire les effets escomptés de cet art d’écrire qui a été comparé avec bonheur, dans certaines études sur Sacchetti, à l’art de peindre.
Si le caractère « florentin » des Trecento novelle est solidement établi, la façon dont le texte tisse des liens multiples avec l’univers citadin, ses espaces, ses limites, ses lieux, sa mémoire, sa présence dans d’autres lieux est beaucoup moins connue. Nous tenterons de comprendre de quel monde il s’agit précisément, de quel univers, de quelle mémoire et de quelles attentes, en un mot de quelle histoire Sacchetti entend faire état par ses récits, sa représentation du monde communal, religieux, seigneurial, artistique.

Axe 2 : « récit et pensée politique »
Cet axe englobe donc de plein droit l’épineuse question de la fonction morale du texte, qu’il nous faudra interpréter le plus précisément possible à la lumière des enjeux contemporains : nous étudierons les relations entre les formes du récit et les phénomènes historiques qu’elles expriment, les modalités de redéfinition des finalités de la littérature et la façon dont la conjoncture politique se rattache à une histoire de longue durée de la nouvelle. Cette dernière, revisitée par Boccace au lendemain de la Peste de 1348, poursuit son évolution selon des lignes de force qui unissent Sacchetti au grand épanouissement de la culture humaniste qui s’accomplira au siècle suivant.


PROGRAMME


Jeudi 8 novembre 2018 : LE TRAVAIL DU TEXTE

9h30 Accueil des participants

10h : Conférence de Michelangelo Zaccarello (Université de Pise) : « Le novità del testo critico per le Trecento novelle »

10h45 : Discussion

1 – LE LEXIQUE À L’ŒUVRE

11h15 : Sylvain Trousselard (Université Lyon-II) : « Onomastique et désignation sociale des personnages »
11h45 : Pascaline Nicou (Université de Saint-Etienne) : « Les enjeux de la traduction : le cas de nuovo »
12h15 : Discussion puis déjeuner

2 – LES SPHÈRES COLLECTIVES ET LEURS CONFIGURATIONS TEXTUELLES

14h30 : Marina Gagliano (Université Paris-III) : « Récit comique et commentaire moralisant »
15h00 : Cécile Terreaux-Scotto (Université Grenoble-Alpes) : « La famille dans les Trecento novelle : liens fictionnels et ancrage historique »
15h30 : Ismène Cotensin (Université Lyon-III) : « Art, espaces et narration »
16h00 : Discussion

Vendredi 9 novembre 2018 : RÉCIT ET POLITIQUE

10h : Conférence de Patrick Boucheron, Professeur au Collège de France

10h45 : Discussion

1 – FORMES DE L’ÉCRITURE ET REPRÉSENTATIONS DES MUTATIONS CONTEMPORAINES

11h15 : Ilaria Tufano : « Politica e cronaca »
11h45 : Laurent Baggioni (Université Lyon-III) : « Analyse politique du rire florentin »
12h15 : Discussion puis déjeuner

2 – NARRATION ET DISCOURS : ENJEUX ÉTHICO-POLITIQUES

14h15 : Enrica Zanin (Université de Strasbourg) : « Implications éthiques des nouvelles de Sacchetti »
15h00 : Élise Leclerc (Université Grenoble-Alpes) : « ‘Perché dice bene il proverbio’ : notes sur les formes sentencieuses dans les Trecento novelle »
15h30 : Discussion puis pause
16h00 : Antonio Corsaro (Université d’Urbino) : Conclusion générale des travaux

Colloque dans le cadre du projet sur le Trecento novelle de Franco Sacchetti (axe III)