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Guillaume
COISSARD

Post-doctorant du LabEx COMOD de septembre 2021 à septembre 2022.

Thèmes de recherche

Projet de recherche (au sein de l’axe I) : Renouveler le matérialisme par son histoire

Résumé :

Ces dernières années s'est ouvert, dans les études anglo-saxonnes, un domaine désigné sous le nom de Nouveaux matérialismes (New materialisms). Comme l'exposent D. Coole et S. Frost dans l'ouvrage collectif qui réunit les représentant.es majeur.es de ce courant, il s'agit de « revenir aux questions les plus fondamentales à propos de la nature de la matière et de la place des êtres humains incarnés dans un monde matériel ». Les « nouveaux matérialismes » revendiquent ainsi une réflexion métaphysique sur la matière elle-même et ses différentes formes. Le but explicite de cette réflexion est l'élaboration d'une ontologie et la création de concepts permettant de penser la « vitalité immanente de la matière ». Ces recherches s'inscrivent dans la continuité du livre de J. Bennett, Vibrant Matter, qui jette les bases d'une telle ontologie.
Or, on trouve chez les « nouveaux matérialistes » la revendication d'une opposition frontale avec la modernité philosophique. L'idée est alors que nous hériterions principalement d'une pensée de la matière issue de Descartes et/ou de Newton qui conduirait à considérer celle-ci comme un être essentiellement passif, réservant l'agentivité, dans la nature, aux seuls êtres humains. C'est donc par contraste et selon le principe de la rupture avec la modernité que s'élaborent les nouveaux matérialismes. Néanmoins, comme l'a bien montré C. T. Wolfe, une telle vision de l'âge classique, quant à la question de la matière, est largement caricaturale et repose sur la logique des grandes généralisations. Car il est, aux XVIIe et XVIIIe siècles, de nombreux auteurs pour remettre en cause le paradigme cartésien et tenter de lui construire des alternatives. Il est même des auteurs qui le font en revendiquant explicitement une position matérialiste : c'est le cas, par exemple, de La Mettrie, de Diderot ou d'Holbach qui, tous trois de manière différentes, incarnent la position énoncée par Diderot dans l'Encyclopédie, selon laquelle « il n'y a que de la matière, et elle suffit à tout expliquer. »

Je propose, dans le cadre d'un post-doc d'une année au LabEx Comod, de mener une réflexion sur la manière dont le corpus des matérialistes du XVIIIe siècle peut être réactualisé afin de jeter les bases d'une ontologie matérialiste contemporaine. Il s'agit ainsi de mettre en avant le fait que certaines des questions les plus actuelles, comme celle de l'activité des agents non-humains, ou encore celle de l'inclusion matérielle de l'être humain dans la totalité de la nature, ont déjà été posées et que nous disposons en conséquence d'un certain nombre de matériaux utiles et féconds pour y répondre, pourvu qu'on sache s'y rendre attentif. Ainsi la question de l'agentivité de la matière peut-elle, par exemple, être éclairée à partir des réflexions de Diderot sur son activité et sa sensibilité. Dans cette perspective, on s'informera du fait que la formulation de l'hypothèse de la sensibilité conçue comme propriété générale de la matière, chez Diderot, s'accompagne d'une réflexion sur sa valeur de vérité.