Société Rhodanienne de Philosophie – Programme des conférences 2018 / 2019

Du 10 octobre 2018 au 27 mars 2019

Toutes les conférences ont lieu de 18h30 à 20h
Faculté de philosophie de l’Université Lyon 3 – Jean Moulin, entrée principale au 15, Quai Claude Bernard (Lyon 7e arr.), Amphithéâtre « Huvelin » (RDC, couloir de gauche)

PROGRAMME

1) Mercredi 10 octobre : Christophe BOUTON (Professeur à l’Université de Bordeaux) : « Hegel et la question du temps »

Quelle est la conception du temps développée dans la philosophie hégélienne? Qu’apporte-t-elle de neuf par rapport aux philosophies antérieures, notamment celle de Kant ? Comment Hegel répond-il aux apories classiques inhérentes au problème du temps ? Pour instruire ces questions, j’examinerai notamment : la définition du temps centrée sur le concept de négativité, la dialectique des trois dimensions du temps, le rapport entre temps et devenir, et le statut ontologique du temps (objectif ou subjectif, naturel ou spirituel ?).


2) Mercredi 21 novembre : Laurent LAVAUD (Professeur à l’ENS Lyon) : « Origines du monde : métaphysique et cosmos selon Platon, Aristote et Plotin »

Contrairement à un préjugé tenace, la métaphysique n’a pas pour vocation de se détourner du monde, mais, tout au contraire, son projet est de préserver le monde. L’abstraction qu’elle accomplit n’est pas le symptôme d’une fuite ou d’une incapacité à endurer le réel, dans sa positivité résistante, mais un effort systématique pour faire apparaître le monde autrement, pour manifester un ordre et une intelligibilité que l’expérience immédiate obscurcit. L’enjeu, pour la métaphysique, est de restituer le monde à lui-même, à son essence véritable : cette essence, les Grecs la désignent par le terme de K6opuoc, qui fait s’entrecroiser l’idée de totalité unifiée du réel et celle d’ordre et d’harmonie. Nous tenterons d’éclairer comment, à l’aurore et au crépuscule de la métaphysique grecque, trois penseurs emblématiques, Platon, Aristote et Plotin, tentent de manifester l’ordre intelligible du monde à partir d’un principe qui lui est extérieur : les Formes, l’Acte pur et l’Un.


3) Mercredi 30 janvier : Denis FOREST (Professeur à l’Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne) : « Pourquoi la mémoire ? Apports des sciences et rôle de la philosophie »

La question « Pourquoi la mémoire ? » peut s’entendre de deux manières. D’une part, on peut se demander d’où vient que la mémoire existe, et qu’elle soit si répandue dans le monde biologique. D’autre part, on peut se demander pourquoi nous tenons particulièrement à elle, ou pourquoi elle possède, dans nos vies, l’importance qu’elle a. Dans mon exposé, je proposerai des éléments de réponse à ces deux questions. Les recherches scientifiques sur la mémoire nous permettent d’identifier dans la nature des mémoires qui entretiennent entre elles des airs de famille (certaines parmi elles n’impliquant pas l’existence de souvenirs), et qui rendent à leurs porteurs des services différents, quoi qu’apparentés, en tant qu’instruments d’orientation. J’essaierai de montrer qu’il n’est pas entièrement arbitraire (ou panglossien, au sens de Gould et Lewontin) de lier la réponse à la question « pourquoi » et les services que rend la mémoire à ses porteurs sur l’exemple intriguant de l’habituation chez les plantes et de sa modulation, telle que l’étudie l’écologie comportementale (Gagliano et al., 2014). Dans un second temps, je me tournerai vers la mémoire humaine. Deux traditions sont bien identifiées en philosophie de la mémoire. L’une associe de longue date la mémoire épisodique et l’identité des personnes à des moments différents du temps. L’autre, bien plus récente, associe la dynamique de la mémoire au rôle de supports externes (ou « exogrammes ») dont il faudrait admettre la « parité » avec les ressources internes de la mémoire psychique et neurale (Clark et Chalmers, 1998). A la suite de Parfit (Parfit, 1984) et en prenant mes distances avec les philosophies de l’identité comme avec l’externalisme actif, je voudrais proposer que l’une des raisons de l’importance de la mémoire tient à la possibilité et au rôle des quasi-souvenirs qui nous font accéder à un passé qui n’est pas notre passé personnel.


4) Mercredi 6 mars : Christophe BOURIAU (Professeur à l’Université de Nancy) : « La métaphysique du "comme si" : l’interprétation vaihingerienne de Kant et au-delà »

Kant est celui qui transforme la métaphysique en montrant que cette discipline n’est pas possible au plan théorique, mais qu’elle est justifiable par des raisons pratiques. Mon propos est d’examiner l’interprétation que le néokantien Hans Vaihinger (1852-1933) donne de cette métaphysique « pratique », qu’il qualifie de « métaphysique du comme si. » Qu’est-ce que Vaihinger entend au juste par cette expression ? Après avoir élucidé ce point, nous nous demanderons si cette interprétation de la métaphysique reste fidèle à l’esprit de Kant.
Deux points au moins permettront d’en douter :
1) Vaihinger ne semble pas voir que les emplois kantiens de l’expression « comme si », en contexte métaphysique, sont variés et n’ont pas tous le sens « fictionnel » qu’il leur donne.
2) Contrairement à Kant, Vaihinger considère que les « Idées » métaphysiques kantiennes sont en réalité des fictions, c’est-à-dire des Idées produites par l’imagination, ne dénotant rien de réel. Cette interprétation critique à l’égard de Kant est-elle défendable ?
In fine, nous aurons à trancher la question suivante :
qui offre la meilleure défense de la métaphysique comme discipline pratique : Kant lui-même, ou bien son interprète Vaihinger ?


5) Mercredi 27 mars : Franck VARENNE (Maître de conférences à l’Université de Rouen) : « Pour une philosophie de la simulation ».

Aux côtés de l’IA et des réseaux aujourd’hui, mais déjà bien avant eux en réalité, la simulation s’est imposée comme une technique informatique toujours plus présente. À la différence des autres techniques informatiques, la simulation possède un caractère hybride redoublé. Comme toute technique informatique, elle mêle le matériel et le formel. Mais elle y ajoute un certain recours à l’iconicité, parfois à l’imagerie. Une simulation informatique est toutefois davantage qu’un simple trompe-l’œil dès lors qu’elle n’est pas uniquement une représentation iconique ou ressemblante, mais aussi un processus. Pour toutes ces raisons, il est malaisé de s’accorder sur la nature et la légitimité de la connaissance qu’elle nous apporte : s’agit-il d’une nouvelle écriture, d’une imagination augmentée, d’une nouvelle forme d’argumentation conceptuelle ou encore d’un type nouveau d’expérimentation ? Comment expliquer sa capacité à prédire le comportement du réel si ses procédés finissent par nous être opaques, ou encore si l’on rappelle qu’ils se limitent à des calculs finitaires ? Dans cet exposé, il sera question d’interroger les puissances multiples de cette stratégie d’exploration des divers modes de la finitude, stratégie épistémique souvent décriée ou méprisée, mais qui pourrait bien être particulièrement adaptée à ce nouveau monde fini que nous habitons désormais.
 

Lien vers l'agenda de l'association: http://facdephilo.univ-lyon3.fr/societe-rhodanienne-de-philosophie-agenda-2018-2019-159187.kjsp