L’humoriste Alphonse Allais déclarait : « Je ne suis pas superstitieux, cela porte malheur. » Une telle boutade montrait bien l’ambiguïté qui existe quand on parle de superstition. Cette notion est au centre de beaucoup de comportements, mais elle reste mal connue.

Dans De natura deorum, Cicéron définit la superstition comme une piété excessive, exagération cultuelle dépassant le contrat passé entre Rome et ses dieux. Saint Thomas la considère comme un « vice qui s’oppose à la religion par excès, culte divin rendu indûment ». Après lui, c’est encore cette définition qui est retenue, par exemple par Gerson. La vraie religion tient le milieu entre l’excès et le défaut.

En fait, derrière ces définitions, le mot « superstition » sert à disqualifier ou à hiérarchiser. Il convient d’étendre les études de Jeanne Favret-Saada à l’ensemble du discours religieux ou politique : décréter que quelque chose relève de la superstition est un moyen de disqualifier un problème ! Le mot est régulièrement utilisé dans l’argumentaire politique. C’est ce rapport avec le discours, qui fait que les superstitions n’ont toujours pas disparu et ne disparaîtront jamais. Gauchet a parlé du « désenchantement du monde », mais s’il a eu lieu dans de nombreux domaines, il n’a pas touché les superstitions.

La notion de superstition ne décrit pas une réalité objective ; rien n’est a-priori superstitieux. L’expression est destinée à détruire, combattre, disqualifier... Car si mes rites et croyances ne sont pas « superstitions », ceux de mon adversaire le sont.

Ces réflexions ont mené à la création d'un espace de travail interactif, à objectif pédagogique: la base de E-Learning "Superstition".

Ici, nous ne portons aucun jugement sur les croyances, nous ne déprécions aucun geste. Nous nous contentons de voir comment d’autres les jugent. En entrant ici, vous ne découvrez pas des recettes mais vous regardez comment nous utilisons un mot pour dire des choses qui nous choquent, que nous ne comprenons pas, qui nous font peur, comment les hommes considèrent ce qu’ils ne connaissent ou ne dominent pas.