Journée d'étude "Les écrivain·e·s face à l'impératif de célébrité"_16/05/2025

Le 16 mai 2025

Salle de formation, BIS, Sorbonne Université

 


PROGRAMME


Participant·e·s : Samantha Caretti, José-Luis Diaz, Pascal Durand, Nathalie Heinich, Marceau Levin, Jean-Didier Wagneur

Au XIXe siècle, le développement des techniques de reproduction de l’imprimé à grande échelle et à bas coût, l’alphabétisation et l’entrée définitive de la librairie dans l’économie de marché ont contribué à faire des écrivains et écrivaines des personnalités publiques, en leur donnant une exposition médiatique qu’ils et elles contribuent en partie à construire. La recherche s’est déjà intéressée aux conséquences du déploiement de l’ère médiatique sur la littérature, depuis la nécessité chez les écrivain·e·s d’adopter une « posture auctoriale » aux liens entre littérature et publicité, en passant par la naissance d’une poétique médiatique dans les productions littéraires. Reste à interroger la façon dont la participation au jeu médiatique de la mise en scène de soi s’impose comme une obligation aux littérateurs. Certains gestes sont attendus : s'entourer (par la camaraderie) et diffuser (par la réclame). Sainte-Beuve écrit que les poètes sont « bon gré, mal gré, un objet de publicité1 » ; Balzac explique que la réussite de certaines œuvres est due « aux commandements d’une gloire à soutenir2 » ; quant à la Machine à Gloire de Villiers de L’Isle-Adam, « elle vous en couvre – n’en voulût-on pas avoir : l’on veut s’enfuir, et cela vous poursuit3 ». La célébrité se constitue en impératif au cours du XIXe siècle, bien qu’on puisse en placer l’origine au milieu du XVIIIe siècle. À partir des années 1830, il devient obligatoire pour qui veut vivre de sa plume de se livrer à la publicité, de participer activement aux diverses sociabilités littéraires et artistiques, d’accepter de voir ses traits reproduits et de laisser son œuvre dévoiler sa vie. Rien d’étonnant à voir ainsi, dans la deuxième moitié du siècle, les pratiques publicitaires parasiter les textes comme dans l’original poème Poêles mobiles de Maurice Mac-Nab, publié en 1886, qui intègre, non sans un certain esprit de fumisterie, des coupures publicitaires au cœur du texte.

Comment les écrivains se sont-ils accommodés de ces exigences nouvelles ? Et surtout, quels compromis ont-ils été amenés à faire pour jouer le jeu sans s'y perdre ? C’est à l’identification et à la mesure de ces phénomènes que le présent Atelier veut se livrer. On entend s'attacher aux traces, aux indices, dans l'œuvre ou hors d'elle, d'une négociation entre la contrainte médiatique et la recherche d'une liberté créatrice. Il sera question d’estimer l’ampleur des impacts de ces négociations sur les œuvres, parfois créées en vue de répondre à ce jeu de visibilité, ou adaptées à ces impératifs médiatiques.

1 Sainte-Beuve, « Victor Hugo en 1831 », Portraits contemporains, t. I, p. 390.
2 Balzac, La Cousine Bette [1846], Paris, Garnier Flammarion, 1977, p. 135.
3 Auguste Villiers de L’Isle-Adam, « La machine à gloire », Contes cruels, Paris, Calmann-Lévy, 1893, p. 61.